Permaculture

Exemple de conception de butte en permaculture pour la création d'un perma-potager.

La permaculture a été créée dans les années 70 par Bill Mollison et David Holmgren. C'est une façon de cultiver la terre en prenant en compte les paramètres environnementaux du lieu (ensoleillement, vent, type de sol, écoulement de l'eau, plantes naturellement installées, etc.) pour s'adapter au mieux à la nature et la mimer. On dit, en permaculture, que l'on travaille avec la nature et non pas contre elle : il n'y a alors plus besoin de produits phytosanitaires - de laboure du sol - de notion de bonnes ou mauvaise herbes - etc. C'est une "agriculture permanente" (c'est le sens premier de la permaculture), comme le faisaient nos anciens. Quand on y pense, ça fait un bout de temps que l'agriculture conventionnelle fait exactement l'inverse...

Au-delà d'une méthode pour produire son alimentation tout en enrichissant le sol - la pédosphère - et sans utilisation d'intrants, la permaculture est avant tout une Culture et une façon de vivre le monde, dont 3 principes éthiques guident celui qui la pratique :

  • Prendre soin de la nature = de TOUTE forme de vie. Je trouve que cette notion fait appel à la théorie la Gaïa de James Lovelock où environnement et vie sont en équilibre : la planète Terre fonctionne comme un grand tout et s'auto-régule de part les cycles de vie et chaînes alimentaires.
  • Prendre soin des humains = de soi, des autres, de l'humanité présente et en devenir.
  • Partager - redistribuer les surplus = partager nos connaissances ou expériences et redistribuer le trop plein que l'on possède à l'autre et à la terre ("Rien ne se perd, rien ne se crée mais tout se transforme" Lavoisier).

Cette vision du monde correspond tout à fait à mon état d'esprit et lorsqu'un couple d'amis a proposé (après avoir vue le film "Demain") à moi et mon conjoint de cultiver un terrain en permaculture : il était évident d'accepter !

NOTRE PROJET

Nous sommes 7 amis qui se sont réunis autour d'un projet commun : cultiver un terrain en permaculture afin de consommer notre propre production maraîchère et fruitière. Ce projet a débuté en février 2016 et aucune personne de notre groupe n'avait cultivé en permaculture auparavant.

Il fallait donc :

  • Se renseigner sur la permaculture. Internet est l'outil idéal pour apprendre : les principes de la permaculture et les différentes façons de procéder, les espèces végétales et la façon de les semer et cultiver - avec les plantes dites de compagnonnages, avoir des exemples didactiques en vidéo ainsi que des conférences par des personnes ayant de l'expérience dans ce domaine.
  • Trouver une interface de communication et de partage des ressources trouvées sur le net. On s'est tourné tout naturellement sur Facebook en créant un groupe privé. On peut alors partager au sein de notre groupe les trouvailles du net, nos tests de semis, l'avancement de notre potager (tout le monde n'est pas là en même temps pour jardiner : on fait donc des "comptes-rendus" à chaque intervention), ...
  • Cerner nos objectifs : on veut produire quoi - en quelle quantité - en combien de temps ? et les confronter à nos contraintes de temps, de budget, de savoir faire...
  • Analyser le terrain : il faut connaître la nature du sol - l'ensoleillement - le vent - l'écoulement de l'eau et l'humidité - les ressources naturelles à disposition sur notre parcelle,
  • Le matériel : qu'a-t-on à disposition et que doit-on acquérir ?
  • Faire notre perma-design : en confrontant nos objectifs avec notre analyse du terrain, nous pouvons faire une planification de notre culture.

Nos objectifs,  notre projet SMART

Avant d'user la grelinette, il fallait établir nos objectifs : pourquoi fait-on de la permaculture ? Que souhaite-t-on produire et en quelle quantité ? Quels temps - argent - énergie étions-nous prêt à dépenser ? Pour cela, la vidéo de permaculture design nous a été très utile : on a découvert qu'un objectif devait être SMART : Spécifique - Mesurable - Accepté - Réaliste - Temporisé !
Pour notre projet SMART, il n'est pas encore question de rendement ni de quantité de production mais plutôt de tests et d'expérimentations : on souhaite consommer ce que l'on produit plutôt que de produire ce que l'on consomme - la nuance est de taille car notre objectif n'est pas encore à l'autosuffisance...

Voilà notre projet SMART pour 2016 :

  1. mettre en place le design de notre potager : créer les différentes zones de culture, 
  2. tester les semis / la pousse des plantes avec les associations,
  3. faire un test en électroculture pour faire notre propre opinion sur le sujet.

Pour simplifier les choses et y voir plus clair, on a fait un tableau excel accessible via notre groupe Facebook, avec plusieurs colonnes que chacun a pu remplir :

  • les plantes usuellement cultivées en zone tempérée avec à chaque fois un lien hypertexte vers une ressource permettant de connaître : le mode de culture (l'environnement idéal pour chaque cultivar : ensoleillement, type de sol, humidité etc.), leur hauteurs mais aussi les plantes de compagnonnage et celles qu'il ne faut pas associer... 
  • les personnes du groupe intéressées par les plantes et la quantité souhaitée pour chacune d'elles : petite - moyenne - grande, 
  • si oui ou non on peut avoir en notre possession (par des amis, de la famille ou via notre alimentation) les graines correspondantes afin de savoir celles que l'on doit acheter, 
  • qui achète quoi et qui sème quoi, en respectant les principes de la culture biodynamique avec un calendrier de semis et repiquage de 2016, histoire de bien faire les choses dès le départ.

NOTRE POTAGER DE PERMACULTURE

Avant de commencer à intervenir sur le terrain, il fallait élaborer un projet viable et réfléchir à l'agencement des différentes zones de culture et de circulation du terrain : c'est le perma-design.

Le perma-design

Le perma-design est une étape extrêmement importante dans la permaculture : c'est à ce stade que l'on conçoit la façon dont on va agencer notre jardin et les techniques de permaculture que l'on va utiliser. C'est une façon de planifier le "comment" du potager. Rien n'est fait par hasard, même si les photos sur internet donnent l'impression que les potagers sont "fouillis" ou carrément "bordéliques". En effet, la permaculture considère le potager comme un ensemble dynamique où chaque élément à sa place et possède une ou plusieurs utilités. Comme aucun intrant n'est admis (produits phytosanitaires) : il faut arriver à obtenir un système résilient qui s'auto-régule (comme fait "mère nature") tout en répondant aux objectifs que l'on s'est fixés. Cela permet de limiter au strict minimum l'intervention humaine pour arriver - dans l'idéale - qu'à une simple "maintenance".

Pour les créateurs de la permaculture (Bill Mollison et David Holmgren), chaque élément doit posséder idéalement 7 fonctions, soit 7 utilités vis-à-vis des autres éléments : on recherche dont toutes les synergies possibles entre les éléments à disposition du terrain et les cultures que l'on souhaite installer et au final :

  • on ne doit produire aucun déchet,
  • on ne doit pas utiliser d'autres énergies que celles naturellement fournies par le terrain et l'homme (force des bras, du vent, énergie du soleil, chaleur de fermentation des déchets, etc.),
  • on doit diminuer au maximum la charge du travail humain : pas de labour, pas d'utilisation de produits phytosanitaires, limitation au maximum de l'arrosage, etc.

Le design est donc réfléchi avant toute intervention sur le terrain, mais est en constante évolution car on cherchera à obtenir un système global le plus résiliant et efficace possible : comme dans la nature, le système se complexifiera avec le temps par la création d'une multitude d'écosystèmes évoluant en synergie les uns avec les autres, chacun tirant parti des autres. On peut donc dire que le système global (= le potager entier) fonctionne tel un super "organisme vivant" avec sa propre homéostasie : le fonctionnement de la somme de ses parties étant supérieur au fonctionnement de chacune des parties prises individuellement, vous me suivez ? lol

Je vous laisse consulter l'article de wikipédia sur ce thème et naviguer sur le site NB corp avec notamment l'article sur la méthode OBREDIM.

Analyse du terrain

On a donc fait un schéma du terrain avec comme objectif d'en cultiver la moitié Nord (soit 500m2) et de laisser l'autre moitié libre de toute intervention humaine dans un premier temps.
methode obredim analyse du potager en permaculture

Pour commencer, on a étudié les différents paramètres naturels pour savoir sur quelles bases on partait :

  • Ensoleillement : le terrain est tout en longueur et est orienté Sud. La présence de grands conifères au Sud-Ouest du terrain ainsi qu'un mur plein tout le long du coté Ouest amènent de l'ombre vers la fin d'après-midi sur la moitié nord du terrain, qui est pourtant la partie la plus ensoleillée.
  • Ecoulement de l'eau : le terrain est en pente en direction Sud, vers la seine.
  • Vent fort : de Nord-Est vers Sud-Ouest de par le grillage tout le long Est du terrain. Les grands conifères ainsi que le mur Ouest font obstacles aux vents inverses.
  • Type de sol : argileux, lourd et compact, pH 6,8 (testé en 3 endroits différents avec des bandelettes pH). 
  • L'étude des plantes bio-indicatrices :
    • la présence sur tout le terrain - en très grande quantité - de chiendent indique un sol plutôt fatigué avec excès de nitrate et potasse, mais un épuisement de calcium.
    • du lierre grimpant au sol dans la partie Sud du terrain - au pied des arbres et sur les troncs d'arbre - indique un sol présentant des matières organiques non totalement décomposées (normal : les feuilles et branchages des arbres tombent au sol), faible teneur en azote, sol humide (normal : la terre est argileuse et compacte, ce qui maintient l'eau - c'est vers cette zone que s'écoule l'eau de par l'inclinaison du terrain - le lierre au sol et les feuilles mortes tombées limitent l'évaporation de l'eau). Là où le lierre est présent en grande quantité, il n'y a pas de plante herbacée ni graminée : cela est normal car le lierre grimpant au sol inhibe la germination des graines.
  • Ressources naturelles à disposition : feuilles et bois morts des arbres, herbes hautes sur tout le terrain, 1 bac de récupération d'eau de pluie déjà en place sur le milieu du terrain (et qui nous servira de démarcation de la limite à cultiver). A cela s'ajoute :
    • quelques graines en notre possession,
    • les déchets organiques de nos cuisines (ce qui fait une bonne quantité car nous sommes 7 et je suis moi-même végétarienne),
    • la production de mon lombricomposteur (lombricompost + thé des vers) qui produit trop par rapport à ce que j'ai besoin pour mes plantes d'intérieur et en jardinières,
    • du matériel déjà en notre possession : 1 arrosoir + 2 pelles + 1 serfouette + 2 râteaux + 1 croc + 1 bêche et 1 fourche bêche. Nous avons fait l'acquisition d'une grelinette, outil indispensable pour décompacter le sol sans le déstructurer.
  • Bordures du terrain
    • la bordure Nord du terrain le sépare de la route qui est en surplomb de 1m5 environ. C'est un simple grillage avec un portillon grillagé.
    • la bordure Sud du terrain est un simple grillage qui sépare d'un chemin de bord de seine. Cette partie ne bénéficiera d'aucune intervention humaine. Sur l'angle Sud-Ouest du terrain se situe un énorme orme avec du lierre grimpant tout le long de son tronc. Cet élément apporte de l'ombre sur la partie cultivée de notre terrain lorsque le soleil est couchant et bas : en fin de journée en hiver.
    • la bordure Est est un grillage de séparation avec le terrain voisin. Il nous servira de support pour des arbres fruitiers et plantes en palissade. Le voisin pourra lui aussi bénéficier des fruits des arbustes.
    • la bordure Ouest est un muret (+ grillage sur sa partie supérieure) et qui sépare le terrain d'avec un chemin bitumé en surplomb de 1m50. Ce muret blanc reçoit le soleil du matin (orientation vers l'Est) et est idéal pour adosser des serres et installer des plantes grimpantes ou des cultures verticales nécessitant de la chaleur et du soleil.

Design du terrain

En confrontant l'analyse du terrain et notre projet SMART, on a pu élaborer le design de notre potager avec ses différentes zones de culture :

  • Au vu de l'état dégradé sur sol, nous sommes partis sur des cultures en butte du terrain (l'utilisation des buttes, confectionnées avec du bois mort en leur sein, permet de limiter les besoins d'arrosage.) + 2 serres + 2 zones (A et B) sans réalisation de butte (mais avec tout de même une décompaction du sol + mulch afin d'y cultiver des racines + autres plantes mellifères sans trop s'en occuper). 
  • Les 2 serres permettront de protéger les semis du gel au printemps et d'étaler un peu plus la récolte des plantes nécessitant de la chaleur (haricot, tomates, etc.) en automne. Le toit sera légèrement incliné pour récolter l'eau de pluie.
  • 1 composteur (voir l'article sur le compostage de wiki) qui récupèrera nos déchets organiques et carbonés : nous y ferons du compostage à froid. Nous souhaitons aussi tester le compostage de surface qui diminue la charge du travail et semble donner de bons résultats d'après les vidéos trouvées sur le net (ex. de vidéo : "Comprendre le compost !").

methode obredim en sperma-culture : faire le design et la planification de son potager
Voilà un exemple de perma-design du terrain, avec ses différentes zones de culture. Un simple tableau complète ce schéma avec, pour chaque butte numérotée : le type de butte créée, l'engrais vert semé, les cultivars qui y seront installés.

Le groupe privé sur FB nous permet de tenir un "journal de bord" ou chaque intervention est notée : cela permet de maintenir toutes les personnes du groupe - qui ne sont pas forcément présentes à chaque session de jardinage - au courant des différents gestes effectués. Cela permettre aussi de savoir sur le long terme quelles sont les zones qui ont nécessité le plus d'interventions ainsi que les quantités produites / récoltées sur chaque zone -> la permaculture étant un système dynamique et évolutif, on a besoin de savoir ce qui marche / ne marche pas afin d'améliorer notre design et les associations de plantes. Cela permettra, de saison en saison, de perfectionner nos techniques et de les adapter au mieux aux conditions de notre terrain. En effet, il n'y a pas une seule et unique façon de faire de la permaculture mais une multitude, car chaque terrain et environnement sont différents, chaque équilibre est unique.

Exemple de conception d'une butte


Il y a plein de façon différente de faire une butte car :

  • chaque terrain propose des "matières premières" différentes et un environnement différent,
  • chaque sol et écosystème ont un équilibre particulier, 
  • les permaculteurs ont des objectifs différents, ce qui amène à des stratégies différentes pour répondre à leurs "projets SMART".
Nous avons confectionné différentes sortes de butte, avec des matières premières variées à disposition : BRF, bois morts, cartons, déchets de débroussaillage, tonte de pelouse récupérée, déchets organiques de cuisine... Il faut retenir que l'apport en carbone est extrêmement important : cela permet de recréer de la vie dans le sol par sa décomposition et d'avoir un bon équilibre azote / carbone.
La confection de différents types de butte nous permet de tester et de savoir ce qui marchera le mieux pour notre terrain. Ici, je vous propose le pas-à-pas de la confection d'une butte avec du bois en décomposition et qui semble être une technique souvent utilisée en permaculture d'après ce que j'ai pu voir sur internet :

décaissement de la butte de permaculture
Balisage de la butte (largeur de 1m20) et de l'allée (largeur de 60cm). La butte sera au niveau -1 sur un sol décompacté et l'allée au niveau 0 (sol non décompacté). Ici : début du décaissement de la butte.

éviter un sol lourd et compact en permaculture : décompacter le fond de la butte
Fin du décaissement de la butte. On est donc au niveau -1 que l'on commence à décompacter grâce à la grelinette (au fond de la butte sur cette photo).
aggradation du sol par le décompactage en permaculture
Fin du décompactage du niveau -1.

mettre au fond de la butte du bois mort, création de butte de permaculture en bois mort
Le niveau -1 est rempli par du bois en décomposition que l'on brise et que l'on tasse. Le bois doit être humide (au besoin : on arrose) et les trous sont remplis par des petites branches + feuilles : il ne doit pas rester de trous d'air. Par-dessus, on positionne les mottes de terre ayant des touffes d'herbe avec les racines en haut. On repositionne ensuite sur la butte la terre qui avait été prélevée.

comment créer une butte en permaculture
On couvre la butte (= on met du mulch) afin de ne pas laisser la terre à nu : ici avec du BRF (bois raméal fragmenté). Cela permet à la pédoflore de se développer mais aussi de limiter l'évaporation de l'eau (on souhaite arroser le moins possible).

différentes sortes de buttes sont possibles en permaculture
Et voilà notre 7ème butte fin prête ;) 

engrais vert sur une butte de permaculture
Sur les buttes, en dessous du mulch, sont semées des graines de lentilles : une légumineuse qui nous servira d'engrais vert - ici sur la photo. Notre engrais vert permet : de fixer l'azote (la dégradation du bois mort au fond des buttes est grande consommatrice d'azote), de créer un système racinaire qui structurera le sol, d'apporter de la matière azotée à notre mulch lorsque l'on coupera les plants de lentilles (on laisse les plantes coupées sur le dessus de la butte).

Voilà un exemple de mulch (jardin d'agrément) fait à partir de feuilles mortes de l'automne : après broyage, le mulch est étalé sur le sol. Il permet de garder l'humidité (donc limiter les besoins en arrosage), ne pas laisser la terre à nu (lutte contre le lessivage par la pluie, lutte contre les agressions des rayons du soleil, maintien de la pédoflore) et limite l'apparition de "mauvaise herbe".


RESSOURCES



2 commentaires

  1. Je trouve votre projet juste génial ! je ne connaissais pas le terme de "permaculture".
    C'est bien de voir des gens qui se bougent comme ça :)

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    1. Merci beaucoup pour votre commentaire. Ce projet me tient vraiment à coeur et nous prenons beaucoup de plaisir à "jardiner" ensemble. Ce potager est aussi l'occasion de se retrouver entre amis et de "prendre l'air" le temps d'un après-midi (nous habitons tous en ville) ;)

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